Peer Gynt

Henrik Ibsen et Edvard Grieg

Mise en scène et dramaturgie: Pierre Pfauwadel

Conception musicale et arrangement: Jules Monnier

Chorégraphie: Laura Facélina

Création lumière: Thomas Cany

En partenariat avec la compagnie l'Encre.

Durée approximative 1h30 - Tout public - Pièce pour 8 musiciens, 3 comédiens et 1 danseuse.


Avec: Teresa Martinez (violon)Jules Monnier (alto)Manon Leroux (violoncelle)Nina Bono (flûte)Orane Pellon (clarinette)Felix Leclerc (percussions)Emma Prieur-Blanc (harpe)Hippolyte de Villèle (cor)Ella Benoit (jeu – Solveig / Fille du roi des Trolls)Clara Marchina (jeu – Åse / Roi des Trolls)Elio Massignat (jeu – Peer Gynt)Laura Facélina (danse et jeu – Ingrid / Le Fondeur de boutons).

Création :

  • Été 2021

"Pour ce retour à l’essence, il s’agit de se ré-approprier l’œuvre et la réarranger en l’axant sur l’intimité de Peer Gynt. On délaisse alors le côté monumental de cette œuvre pour en créer un opéra de chambre tel que Grieg l’a initialement conçu avant d’en faire une suite pour orchestre. L’idée est avant tout de rendre accessible cette histoire."

L'intrigue


Peer Gynt vit avec sa mère Äse dans leur pauvre maison. Son père décédé ne leur a pas laissé de quoi vivre. Äse adore son fils mais se rend compte qu’il n’est qu’un affabulateur et un bon à rien. Lorsqu’elle lui apprend qu’Ingrid, une jeune fille de bonne famille qu’il aurait pu épouser, se marie ce jour-là, il décide de se rendre à la noce, et sur un coup de tête enlève la mariée avec laquelle il s’enfuit dans les bois. Il se lasse très vite d’elle, et la renvoie avec des sarcasmes à sa famille. Il rencontre la dame en vert, fille du roi de la montagne, et s’apprète à l’épouser, lorsque le roi se propose de lui mutiler les yeux pour qu’ils voient comme ceux d’un troll. Peer refuse et s’enfuit de la caverne. Il se réfugie auprès de la douce Solveig, qui accepte de s’installer avec lui. Le bonheur de Peer est gâché lorsque la dame en vert lui annonce qu’elle et l’enfant qu’elle a eut de lui rôderont toujours autour de sa cabane. Il s’enfuit. Peer va d’aventure en aventure. Il fait fortune comme armateur et trafiquant d’esclaves, perd presque tous ses biens dans un naufrage, est adopté par une tribut de bédouins du désert en tant que prophète, se fait voler par Anitra, la jeune fille à laquelle il s’était attaché. Devenu vieux, il revient enfin en Norvège où le diable lui apprend que son heure est venue. Peer court la forêt pour échapper à son sort, et retrouve sa cabane, où Solveig est restée à l’attendre fidèlement, sans douter un seul jour qu’il reviendrait..

Notre version

"Déjà, il y a le défi de monter Peer Gynt avec le désir de rendre cette histoire accessible à tous. La pièce est réputée injouable. Elle dure cinq heures environ, déploie une centaine de personnages et fait se succéder une multitude de paysages extrêmement variés.

Nous avons décidé d’ajouter un matériel important de l’œuvre de Peer Gynt : la musique composée par Grieg. Pas la suite connue qu’il ré-orchestra dans un second temps, mais à partir des premières partitions écrites de l'opus 23, pour être jouées pendant la pièce d’Ibsen. De là est née la collaboration entre la compagnie Lencre et l’ensemble du Bestiaire.

Un orchestre de soixante dix musiciens à la trentaine de comédiens initialement prévus … C’est compliqué. Nous sommes partis de cette envie commune de revisiter cette pièce classique avec un orchestre pour imaginer une adaptation. Le grand avantage d’avoir un orchestre pour une telle pièce est de lui confier la charge des changements de lieux, d’atmosphères et de réalités qui est l’un des défis lorsqu’on monte l’histoire de Peer Gynt et dont le résultat est souvent un déballage d’artifices et de décors réalisé avec plus ou moins de réussite.

À la relecture, une chose apparaît comme le fondement de ce projet : la relation qu’entretient Peer Gynt avec les femmes et l’évasion. Un gamin pauvre coincé dans les larmes de sa mère qui s’évade en rêve. Voilà le point de départ. Un menteur, ou plutôt un jeune homme à qui l’on n’a jamais appris qu’il existe une frontière entre le monde réel et celui des rêves, qui au réveil va raconter à sa mère la folle aventure qu’il vient de vivre. Nous décidons d’arranger le texte pour trois comédiens et la musique pour huit musiciens. Pour les personnages, nous nous focalisons sur cinq figures centrales. Peer Gynt, personnage principal. Äse, sa mère. Solveig, son amour. Au moment où Peer Gynt délaisse sa terre natale pour devenir prince des trolls, qu’il quitte sa réalité pour habiter son imaginaire, les deux femmes de sa vie évoluent. Sa mère devient Bröse, la reine des trolls, ainsi que sa mère condamnait la façon de voir le monde de son fils, la reine des trolls veut améliorer sa vision en lui entaillant l’œil gauche pour qu’il louche bien et en lui crevant l’œil droit. Solveig devient la femme en vert, fille de la reine des trolls, celle qu’il s’évertue de fuir pour retrouver Solveig. Dans cette pièce, il y a aussi l’idée de foule (mariage, monde des trolls … ). Cette foule est incarnée par l’orchestre. Les musiciens peuvent ainsi former un chœur comme dans les tragédies grecques ou bien se détacher du groupe pour incarner un personnage (forgeron, marié … ).

Lors d’une autre lecture, nous comprenons qu’il manque quelque chose à cette adaptation. La personne qui raconte cette histoire. Une danseuse dont les deux jambes peuvent symboliser les plumes conjuguées d’Ibsen et de Grieg, un lien entre la musique et le théâtre. Le grand marionnettiste. Un personnage hybride qui peut changer de visage pour faire avancer l’histoire. Elle devient Ingrid, la mariée enlevée par Peer Gynt pendant la nuit de ses noces et rejetée dès le lendemain. Puis, peu à peu, elle se transforme en Courbe et en Fondeur de Boutons, deux personnages représentant la mort : Peer Gynt n’ayant jamais été lui-même sera refondu avec les choses ratées. À partir de ces personnages, tel le Fondeur de boutons, nous avons refondu toute la dramaturgie pour créer une vision de Peer Gynt inédite.

Autour de Peer Gynt, « jeune homme solidement bâti », trois femmes. Sa mère Äse, son amour Solveig et Ingrid, l’amante. La première partie est ainsi. Puis Peer Gynt passe dans un monde fabuleux. C’est un peu Miyazaki : un monde moderne où résonne d’anciennes musiques et un passages vers le rêve. C’est le miroir d’Alice of Wonderland. Ces trois figures féminines changent de l’autre côté du miroir. La mère devient la reine des trolls, son amour devient la fille de la reine des trolls et l’amante devient une représentation de la mort. La frontière est poreuse entre les deux mondes. Lorsque le rêve se dissipe et que Peer Gynt emmène sa mère à la mort, un détail trahi son passage en reine des trolls. Après avoir pris la mère, la mort veut s’emparer aussi du fils. Peer Gynt s’enfuit et fait un grand voyage dont il ne reste qu’une tirade et des fragments de partitions, le reste ayant été noyé dans un naufrage, enseveli sous le sable du désert, semé aux quatre vents. Une fuite. Le deuil de sa mère. Une course contre la mort autour du monde. La terre est ronde. Peer Gynt retrouve une vieille cabane dans la neige qui fut, jadis, dans le reflet du miroir, un grand palais de glace. Une voix reconnue, une vieille berceuse. Solveig !

Voilà le matériel qui a servi de point de départ pour notre création. L’arrangement et les coupes du texte et de la musique nous permettent de faire un spectacle d’une heure quarante, avec huit musiciens, trois comédiens et une danseuse. C’est bien de Peer Gynt dont il s’agit, nous restons fidèles à ce que raconte cette pièce mais nous avons la volonté de parcourir cette histoire par un chemin qui nous est propre."


Pierre Pfauwadel